La recherche du bonheur est paradoxale : si nous le cherchons directement, par exemple en nous donnant comme objectif d’être heureux ce jour, nous n’y arriverons pas, ne serait-ce que parce que nous ne maitrisons ni nos émotions ni les évènements qui risquent de les affecter. La seule manière de l’atteindre est de le chercher indirectement, en se centrant sur les 5 éléments qui le composent.[1]
Ces 5 éléments forment l’acronyme SPIRE :
- Spirituel : avons-nous un sens, un but dans notre vie et sommes-nous complétement présents à ce que nous vivons ?
- Physique : prenons-nous soin de notre corps ? Compte tenu de l’importance des interactions entre notre corps et notre esprit, c’est essentiel : en traitant notre corps avec bienveillance et en mangeant sainement, nous nourrissons notre bien-être physiologique et psychologique ;
- Intellectuel : sommes-nous curieux et essayons-nous d’apprendre constamment de nouvelles choses ? Les recherches montrent que les personnes curieuses sont en général plus heureuses et vivent plus longtemps ;
- Relationnel : cultivons-nous des relations qui nous font du bien ? Le premier indicateur du bonheur est la qualité du temps que nous passons avec les personnes qui comptent pour nous et pour qui nous comptons ;
- Emotionnel : comment accueillons-nous nos émotions ? Savons-nous accepter leur changement permanent, nous ouvrir à celles qui sont désagréables et cultiver celles qui sont agréables ?
Le bien-être financier ne figure pas dans cette liste parce que, à partir du moment où nos besoins élémentaires sont comblés, avoir plus d’argent ne nous rend pas heureux. C’est alors l’usage que nous faisons de notre argent qui joue sur notre bonheur : par exemple l’utiliser pour vivre des expériences agréables nous rend plus heureux que d’acheter des objets. De même, le fait d’en donner pour aider les autres contribue beaucoup à notre bonheur.
Une des étapes clés pour accroitre notre niveau de bonheur est de prendre conscience que nous en avons le pouvoir. Quels que soient les évènements que nous vivons, nous avons la possibilité d’agir pour les vivre de manière moins douloureuse et plus heureuse. Ce sera la démonstration du livre.
Le bien-être spirituel
La spiritualité dans le sens que lui donne Tal Ben Shahar comporte deux dimensions :
- Avoir le sentiment que nos actes ont un sens et un but ; il ne s’agit pas de trouver le sens de la vie, qui relève d’un questionnement existentiel, philosophique ou religieux, mais de trouver un sens à la vie, dans nos relations et nos actions au quotidien.
- Être pleinement conscients du moment présent.
Quelles que soient nos activités personnelles ou professionnelles, nous avons un certain contrôle sur le sens que nous leur donnons. Donner à une activité un sens plus important que le simple fait de la réaliser, sans avoir de choix, nous permet d’en tirer beaucoup plus de satisfaction et de mieux vivre les inévitables difficultés.
C’est ce qu’illustre l’anecdote des 3 tailleurs de pierre au Moyen-Âge, à qui quelqu’un demande ce qu’ils font :
- Je taille des pierres, dit le premier ;
- Je travaille pour nourrir ma famille, dit le second ;
- Je bâtis une cathédrale, dit le troisième ;
Ou ce que dit un cardiologue spécialisé dans le changement des piles des stimulateurs cardiaques : certains jours j’ai l’impression de me limiter à changer des piles, d’autres jours je sauve des vies.
Ou encore des démarcheurs téléphoniques chargés de récolter des fonds pour les programmes sociaux d’une université américaine : ceux qui ont passé du temps avec des étudiants boursiers qui leur ont expliqué comment cette bourse avait changé leur vie en leur permettant de faire des études ont ensuite eu de biens meilleurs résultats que leurs collègues, car leur – difficile – travail avait pris pour eux un sens beaucoup plus important et concret, ce qui les avait rendus plus motivés et plus convaincants dans leurs conversations.
Une autre manière de vivre la spiritualité est de pratiquer la méditation de pleine conscience, pour nous entrainer à être conscients de l’instant présent, sans jugement sur ce que nous vivons. De très nombreuses études ont montré que cette pratique a des effets positifs très forts pour améliorer notre santé physique et psychologique. Une des raisons est qu’elle nous aide à prendre conscience des moments de plénitude disséminés dans notre vie et à savoir les apprécier. Ce sont aussi ces moments qui nous permettent de mieux affronter les difficultés lorsqu’elles surviennent.
La première étape pour atteindre notre potentiel de bien-être physique est de prendre conscience du lien indéfectible qui existe entre le corps et l’esprit.
Une des principales difficultés pour de nombreuses personnes aujourd’hui est le stress. En réalité, le problème n’est pas tant dans le stress lui-même que dans l’absence de récupération. Les êtres humains ont toujours été soumis à des grands stress, depuis la peur des prédateurs pour les hommes préhistoriques à celle de la maladie, des guerres et des famines par la suite. La différence pour nous c’est que nous manquons de temps de repos et de possibilités de récupérer, ce qui très nocif pour nous, physiologiquement et psychologiquement.
Nous avons besoin de trois niveaux de récupération : micro, moyen et macro.
- La micro-récupération consiste à prendre des instants de repos très courts dans notre journée – sans téléphone, mails ou autres distractions. Même quelques minutes seulement entre deux activités permettent déjà de retrouver de la sérénité et de l’énergie. Au minimum, quelques secondes de respiration lente et profonde avant un moment difficile permettent de l’aborder de manière plus paisible.
- La récupération moyenne consiste à prendre un jour de repos de temps en temps et de faire une – ou mieux plusieurs – bonnes nuits de sommeil. Et si vous vous sentez coupables de ce temps « inutile », sachez que ceux qui le prennent sont ensuite plus productifs et plus créatifs dans leurs activités.
- La macro-récupération est atteinte lorsque nous prenons plusieurs jours de suite qui sortent de notre routine et de notre stress quotidiens. Cela implique de couper complétement par rapport à notre travail. Là aussi, si vous avez du mal à le faire, sachez que vous serez plus efficace une fois de retour à votre poste.
Une bonne manière de récupérer est aussi de consacrer certains moments de sa journée à ne faire qu’une seule chose à la fois. Une autre est de faire de l’exercice physique, à dose et à rythme adaptés à votre condition de santé. L’essentiel est la régularité : trois séances par semaine, même courtes, sont bien plus efficaces qu’un seul entrainement intense le dimanche. De même, coupez vos journées de travail avec quelques minutes de mouvements toutes les deux heures, votre corps et votre esprit vous en seront reconnaissants.
- Nourrir votre curiosité innée, votre désir naturel d’apprendre toujours plus. Si vous avez le sentiment de l’avoir perdu, retrouvez-le en vous posant de nouvelles questions, toujours formulées de manière positive, par exemple : quand est-ce que je me sens le plus heureux ? Comment renforcer ces moments ? Qu’est-ce que j’aime apprendre ? Qu’est-ce qui fonctionne bien dans mes relations avec les autres ? Comment mettre plus de joie dans ma vie ?
- Creuser certains sujets, pour le plaisir et pour entrainer notre cerveau à approfondir sa réflexion. Cela nous donnera des capacités qui seront utiles dans le reste de nos journées, en particulier pour mieux comprendre les autres et la manière d’interagir avec eux. Cela nous aidera aussi à savoir sélectionner dans le flux gigantesque d’informations que nous recevons chaque jour, dans lequel nous pouvons facilement nous noyer.
- Être ouvert à la possibilité de faire plus d’erreurs car c’est en les acceptant que nous pouvons progresser. L’échec est essentiel à l’apprentissage et au développement. Imaginez des parents bien intentionnés qui voudraient éviter à leur bébé de tomber : il n’apprendrait jamais à marcher. Cela nous demande de nous pardonner nos imperfections et de nous aimer avec toutes nos limitations. Au plan collectif, cela demande de créer un climat de sécurité psychologique, dans lequel l’erreur est acceptée, car c’est la condition indispensable pour pouvoir oser innover. Tal Ben Shahar cite une étude réalisée par Google qui a constaté que ses équipes les plus performantes étaient celles qui bénéficiaient d’un niveau de sécurité psychologique élevé. Elles avaient le sentiment d’avoir le droit d’échouer et donc la possibilité d’expérimenter et d’innover.
Le bien-être relationnel
D’après une étude réalisée par l’université d’Harvard sur près d’un siècle, le meilleur indicateur du bonheur est la qualité de nos relations humaines, et plus précisément la quantité et la qualité des relations intimes sources de soutien. Ce sont elles qui rendent nos bonnes périodes encore meilleures et nous permettent de tenir le coup dans les tempêtes.
La même étude a montré que le meilleur indicateur d’une bonne santé est également la qualité de nos relations humaines.
Les liens intimes sont donc le premier indicateur de bonheur et de santé. Cela est confirmé, en creux, par les études qui montrent que la solitude est un facteur très important de mauvaise santé physique et psychologique.
Dans un monde qui s’attacherait à développer non plus la richesse matérielle mais le bonheur véritable, une des règles les plus importantes serait de prendre régulièrement le temps d’avoir des conversations profondes et sincères avec nos proches.
Pour améliorer la qualité de nos relations, nous avons besoin de :
- Développer notre empathie, en essayant de comprendre le point de vue et le ressenti de l’autre.
- Être généreux. Là encore des études ont montré que le fait de donner aux autres renforçait le niveau de bonheur et la confiance en soi. Et ce n’est pas une question d’argent : comme le disait Anne Franck – à 13 ans et cachée dans son grenier – on peut toujours donner, au moins de la gentillesse.
- Prendre soin de nous-même. Si nous ne voulons pas nous épuiser, nous devons aussi veiller à recharger nos propres batteries. Tal Ben Shahar propose le concept d’égo-altruisme : prendre soin des autres et de soi-même.
Le bien-être émotionnel
Pour vivre dans ce bien-être émotionnel, nous devons nous accorder le droit de ressentir des émotions désagréables et douloureuses et les accueillir sans nous juger et sans chercher à les refouler. Seules deux catégories de personnes ne ressentent jamais ce type d’émotions : les psychopathes et les personnes décédées … Se donner la permission d’être humain, c’est s’accorder l’autorisation de ressentir toutes les émotions existantes, aussi douloureuses soient-elles.
Rejeter les émotions les renforce alors que les accepter leur permet de diminuer progressivement en intensité. En outre, se couper de ses émotions douloureuses nous empêche de ressentir pleinement celles qui sont agréables. Enfin, combattre une émotion rajoute une nouvelle couche de souffrance puisque nous nous jugeons et nous sentons coupables de ce que nous ressentons.
Lorsque vous ressentez des émotions douloureuses, il existe trois manières de vous donner l’autorisation d’être humain :
- Pleurer. Cela nous apaise en libérant dans notre corps des hormones et des substances qui soulagent la tristesse et le stress.
- Parler de ses émotions douloureuses à une personne qui saura vous écouter sans vous juger.
- Ecrire à propos de vos émotions. Prenez ne serait-ce que dix minutes par jour pour écrire dans un journal intime les difficultés que vous rencontrez et votre ressenti.
Nous gagnons à observer nos émotions avec bienveillance et curiosité, en prenant conscience qu’elles ne nous définissent pas. Il peut sembler artificiel d’apprendre à ne plus dire « je suis triste, je suis en colère, j’ai peur », mais « je ressens de la tristesse, de la colère, de la peur », mais cela nous aide à nous en décoller pour ne plus nous sentir envahis et prisonniers de ces ressentis. En outre, cela correspond à une réalité profonde : nous ne sommes pas nos émotions, qui changent en permanence.
Cultiver la gratitude nous aide aussi à maintenir un bon équilibre émotionnel. En effet, cela nous permet de voir des éléments positifs qui risquent de passer inaperçus si nous nous focalisons sur les difficultés. Tenir un journal de gratitude, écrire une lettre de gratitude aux personnes qui nous ont fait du bien -même si nous ne l’envoyons pas – sont des outils qui permettent de renforcer notre gratitude pour les bons côtés de notre vie – sans chercher à masquer ceux qui sont difficiles.
Apprendre à savourer les bons moments que nous avons vécus, en y repensant volontairement et en faisant remonter les émotions agréables que nous avons ressenties est aussi un moyen efficace d’augmenter notre bien-être émotionnel.
Conclusion : passer à l’acte pour avancer
Les meilleures lectures, les stages les plus extraordinaires, les rencontres les plus bouleversantes ne durent que le temps d’un feu de paille. Pour introduire de réels changements, il faut passer à l’action, expérimenter, faire des essais.
En reprenant chacun des 5 éléments de ce livre, demandez-vous : que puis-je faire différemment, qui m’aidera à être plus heureux quels que soient les évènements ?
- Bien-être spirituel : comment insuffler plus de sens à mes activités quotidiennes ? Comment être plus attentif et présent à ce que je vis ici et maintenant ?
- Bien-être physique : comment introduire plus de récupérations (micro, moyenne et macro) dans ma vie ? Comment me mettre ou continuer à faire de l’exercice physique régulièrement ?
- Bien-être intellectuel : comment puis-je développer ma curiosité ? Quel sujet ai-je envie d’approfondir ?
- Bien-être relationnel : comment puis-je encore améliorer la qualité de mes relations intimes ? Comment davantage m’ouvrir aux autres et être plus généreux ?
- Bien-être émotionnel : comment me donner plus la permission d’être humain et mieux accueillir mes émotions douloureuses, sans m’identifier à elles ? Comment développer la gratitude ?
Chacun de ces éléments a des répercussions sur les autres : en introduisant un changement sur un point, vous allez aussi améliorer les autres. Cela vous rendra plus heureux, plus optimiste et vous donnera plus d’espoir pour l’avenir et d’énergie pour le construire.
Enfin, souvenez-vous que le bonheur est contagieux : en cherchant à être plus heureux, vous contribuez aussi à construire un monde meilleur.
[1] Cet article n’est pas un résumé exhaustif, mais comporte les extraits qui m’ont paru les plus significatifs du livre « Les 5 clés du bonheur » de Tal Ben-Shahar, dans l’espoir de vous donner envie de lire l’ouvrage en lui-même, (éditions Robert Laffont, 2021). Ancien professeur à Harvard, Tal Ben Shahar est aujourd’hui conférencier international.
[2] Chaque affirmation de ce livre s’appuie sur des études scientifiques validées. Les références figurent dans les notes de l’ouvrage si vous souhaitez les consulter.